Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 20 Juillet 2023
La réutilisation ou le réemploi des matériaux est une pratique traditionnelle en construction. Mais à la faveur des débats et des réglementations récentes, le sujet devient architectural, technique et juridique.
L’anecdote historique est connue : mi-juillet 1789, pratiquement au lendemain des émeutes révolutionnaires au fort Saint-Antoine, dite La Bastille, un entrepreneur culotté, Pierre-François Palloy, y a, de sa propre autorité, envoyé ses ouvriers pour commencer à démolir l’édifice pour vendre les pierres. Beaucoup ont servi à sculpter des pièces commémoratives – des reproductions de la forteresse dans un moellon originel – mais une grande part a notamment permis de terminer la construction du pont de la Concorde. L’entrepreneur, dit-on, a ainsi fait fortune.
Ce type de comportement n’était pas rare jusqu’à il y a peu en raison de la pénurie de matériaux. Pénurie ne signifiait pas crise, mais difficulté à s’approvisionner en produits relativement éloignés des lieux de consommation. L’habitude de puiser dans les gisements que constituaient les châteaux forts du Moyen Âge pour construire les maisons des villes et bourgs est attestée un peu partout. Dans le même ordre d’idées, aujourd’hui encore, les entreprises spécialisées en restauration de monuments historiques poursuivent ces mêmes démarches quand il s’agit de trouver des matériaux de toiture (tuiles canal, …) ou des parquets de style Versailles ou Point de Hongrie conformes au style initial. Et prochainement, Notre-Dame de Paris sera recouverte de feuilles de plomb … issues de batteries usagées.
Parler de ce sujet après pratiquement un siècle de construction avec des composants de plus en plus industrialisés – la brique et le béton ont progressivement remplacé la pierre et le bois – sème un peu le trouble dans les esprits.
– Qu’en sera-t-il des performances et des garanties à apporter aux constructions neuves ou rénovées qui accueilleront ces matériaux ?
– Comment les maîtres d’ouvrage, publics ou privés, vont-ils s’emparer de ce problème ? Comment les architectes vont intégrer cette nouvelle donne dans leur prescription ?
– Les installateurs de matériels sanitaires proposeront-ils des cuvettes de WC ou des lavabos extraits de chantiers de déconstruction ?