Publié par la CCI PACA, le 17 janvier 2024.
Quand notre réseau CCI sensibilise les entreprises à l’économie du bon sens, notamment dans le BTP, la moindre des choses est de montrer l’exemple. Pour la rénovation de ses locaux, la CCI Provence-Alpes-Côte d’azur a inclus dans sa procédure d’appels d’offres une assistance à maîtrise d’ouvrage favorisant le réemploi. Rencontre avec Valérie Décot, fondatrice et dirigeante de Raedificare qui a piloté cette priorité du chantier.

Un projet de rénovation vraiment vertueux
Au terme de quelque six mois d’intervention dans les locaux de notre siège social dans l’immeuble du City Center Marseille Provence, Valérie Décot dresse un bilan de la mission de Raedificare : « nous en sommes à environ 8 tonnes de plaques de plâtre réemployées : 6 tonnes démontées et remontées sur place et 2 tonnes de cloisons réutilisées en tant que telles mais réadaptées en vue de répondre aux contraintes acoustiques réglementaires actuelles. A ce jour, je n’ai pas connaissance d’une expérimentation sur le Placo® à cette échelle en France : le chantier de la CCI Provence-Alpes-Côte d’Azur n’est pas anecdotique en termes de réemploi et donc d’économie circulaire. »
En effet, si le diagnostic PEMD (Produits Equipements Matériaux Déchets) est obligatoire à compter de janvier 2023 pour notre surface de 1 600 mètres carrés, le fait d’avoir anticipé cela et mis en place le réemploi sur le chantier est le fruit d’une démarche volontaire du maître d’ouvrage. C’était le cas pour l’appel d’offres lancé fin 2022 : en deuxième position derrière le marché permettant de choisir l’architecte du projet de rénovation des locaux remporté par LAND, c’est le marché à assistance d’ouvrage pour le réemploi des matériaux qui revêtait une place importante pour la CCI de région et son président Philippe Renaudi, lui-même chef d’entreprise de la filière construction. Ainsi, Raedificare, entreprise attributaire, est intervenue en amont, contribuant à élaborer le cahier des charges des diverses prestations, notamment celles du marché le plus concerné : cloisonnerie / faux plafonds / menuiseries intérieures.
Valérie Décot précise : « Grâce à notre intervention dès la conception, on a produit le diagnostic qui a permis de recenser les matériaux avec un potentiel de réemploi. Nous avons alors identifié que des cloisons plâtres existantes devaient être détruites et de nouvelles cloisons montées. Nous avons donc proposé à notre client, la CCI de région, et à l’architecte, Ivan Di Pol, de travailler avec la matière déjà en place. C’est ainsi que nous avons monté une opération-test de dépose, afin de savoir comment découper les plaques de plâtre de manière optimisée. C’est une satisfaction pour Raedificare d’avoir réussi à réaliser presque tout le chantier sans déchets, en limitant considérablement l’approvisionnement en nouvelles ressources et en créant des emplois en local, car oui, cette démarche vertueuse nécessite une main d’œuvre plus nombreuse par rapport à un chantier classique de démolition/construction. Ici, l’empreinte carbone est quasiment nulle : ce chantier a produit plus de sueur que de C02 ! » Un défi d’autant plus complexe que le site est contraint car en plein centre-ville de Marseille, avec des accès difficiles en étage, sans zone de stockage, benne ou monte-charge… Dernière précision utile : en amont du curage, Raedificare a également organisé la récupération de matériaux non réutilisés sur place (portes en bois, portes de placards, matériel électrique, baies de brassages…) par des structures associatives, acteurs publics, petites entreprises via un matching ressources/besoins sur sa plateforme dédiée.
L’envie d’un métier à impact positif
« La filière BTP utilise 50 % des ressources en France et en Europe, produit 70 % des déchets et cause 40 % des Gaz à Effet de Serre » : ces chiffres ont nourri la prise de conscience qui a impulsé le virage, cohérent mais impactant, de Valérie Décot dans son parcours professionnel. L’architecte spécialiste des bâtiments publics (au sein de l’Atelier de la rue Kleber) a contribué à la construction de la gare de croisière, à la réhabilitation du lycée Thiers et à la rénovation du siège d’Unicil à Marseille (respect du bâti ancien surmonté d’une structure moderne) ou encore à l’édification du collège de Tallard (05) tout en bois qui devait se fondre dans le paysage. « J’avais fait le tour de mon métier et j’ai eu envie de mettre ma compétence au service de la planète, d’avoir un impact positif. En 2010, j’étais à la biennale de Venise et Rotor, collectif belge pluridisciplinaire, y exposait des matériaux usés et là, ça a fait tilt : il fallait arrêter de repartir de zéro, tout faire pour que le bâtiment ne devienne pas un produit de consommation comme un autre. »
Raedificare (« reconstruire » en latin) est née de ce constat. L’association initialement créée en 2020 perdure aujourd’hui sous le nom de Raediviva (« emploi de la pierre ») pour la partie pédagogie, sensibilisation des jeunes et adultes, maillage de la chaine de valeurs et le bureau d’études se concentre sur le volet économique et commercial. Rien d’étonnant à ce que ce projet entrepreneurial vertueux soit l’un des membres de la PRECI qui fédère les acteurs de l’économie circulaire en région Sud.