Publié par TPBM le 5 décembre 2023. Par Martine Debette.
C’est à Bouc-Bel-Air que s’est déroulé le Forum du réemploi organisé par l’association régionale Raediviva. Une journée bien chargée entièrement dédiée au réemploi des matériaux de construction en région Sud.
Tout au long de cette journée, les différents acteurs du réemploi ont partagé leurs expériences, leurs projets, leurs doutes sur une filière qui ne demande qu’à être développée… à condition de lever les freins et incertitudes qui pèsent encore, notamment sur la mise en œuvre d’une plateforme. Et quoi de mieux que d’organiser ce forum dans l’ancienne chapelle œcuménique de Bouc-Bel-Air, récemment rénovée, pour laquelle l’utilisation de matériaux de réemploi était le maître-mot.
Le soutien de tous pour créer un modèle économique
Benoît Campion, président de Raediviva, a lancé un appel aux grands groupes afin qu’ils apportent leur soutien financier. « Aujourd’hui, nous avons une vraie dynamique et des actions concrètes le montrent. Mais elle est aussi extrêmement fragile. Nous n’avons pas encore trouvé la recette miracle du modèle économique. Même si nous avons des soutiens institutionnels (Ademe et région Sud), nous n’existons que parce que les adhérents nous soutiennent. Beaucoup de grands groupes sont concernés et il serait bien qu’ils adhèrent à Raediviva, à notre démarche ». Il a annoncé qu’il aimerait que le prochain forum réunisse les acteurs des autres régions, afin de partager leurs expériences et leurs avancées. Une piste qui fera l’objet d’une réflexion approfondie avec les adhérents et le conseil d’administration.
Anne Claudius-Petit, présidente de la commission Transition énergétique, stratégie des déchets, qualité de l’air, Région Sud, a mis l’accent sur l’importance de la cohésion de tous les acteurs : « Concernant les déchets du BTP, il faut que tout le monde aille dans le même sens. Effectivement, les entreprises vont avoir des efforts à faire. Tout comme les promoteurs, les bureaux d’études, les constructeurs. Mais il faut aussi que les collectivités prévoient le réemploi, l’inscrivent dans leur PLU et PLUi, et que, dans leurs marchés, elles prévoient l’utilisation de ces matériaux secondaires. Ce sont des efforts qui doivent aller dans les deux sens. Sinon, on pourra continuer à subventionner des tas de projets, mais ce sera du coup par coup et on n’aura pas réellement avancé ».
Trois questions à Tiphaine Guélou, directrice Raediviva :
Quel est l’objectif de cette journée ?
Notre objectif est de rassembler les acteurs du réemploi pour qu’ils puissent échanger et partager la connaissance. Pour structurer la filière, nous avons quatre axes de travail. Le premier, et le plus important, étant la mise en réseau et l’animation de ce réseau en région Sud, en créant des synergies entre les acteurs et en les faisant travailler ensemble. Ce qui est primordial puisque ce sont eux qui vont permettre de développer la filière. Il y a également l’information, la sensibilisation et la formation des acteurs du BTP qui souhaitent intégrer la pratique du réemploi dans leur projet.
Troisième axe, celui de la promotion et de la communication, afin de changer le regard porté sur le réemploi. Quant au quatrième, il consiste à accompagner au mieux les acteurs pour aller vers plus de réemploi. C’est notamment ce que nous avons mis en place, en partenariat avec l’ARHLM Paca Corse, à mi-octobre dernier. Il est impératif d’accompagner et de sensibiliser les bailleurs sociaux car ils représentent un levier important pour augmenter la demande de réemploi et, ainsi, permettre à l’offre d’émerger, à la filière de se développer. C’est-à-dire permettre aux acteurs de trouver un modèle économique, une pérennité économique. Aujourd’hui, ce marché du réemploi n’est pas encore mature.
Pourquoi le réemploi est-il aussi important ?
L’enjeu est de limiter les déchets et les émissions de CO2, de contribuer à décarboner la construction. Le secteur du BTP représente près du tiers des émissions de CO2 en France. Il est l’un des plus émetteurs en gaz à effet de serre et produit 70 % des déchets. Plutôt que de produire des déchets et d’extraire de nouvelles ressources, il faut réemployer des matériaux. C’est une démarche d’économie circulaire, si possible locale, beaucoup plus vertueuse que la réutilisation et le recyclage, même si tous sont complémentaires, car tout ne peux pas être réemployé. Un autre enjeu est l’émergence de nouveaux métiers et d’emplois locaux et non délocalisables. Par exemple, courtiers en matériaux de réemploi, qualificateurs, déconstructeurs, reconditionneurs, etc. Enfin, le réemploi permet la conservation et la valorisation du patrimoine.
Quelles ont été les priorités des différents groupes de travail ?
Les trois groupes de travail se sont penchés sur trois thématiques importantes et ont présenté trois feuilles de route qui seront le fil rouge pour 2024. La première est liée aux bailleurs sociaux avec, pour postulat de départ : comment développer le réemploi des matériaux dans le logement social. Pour nous, c’est un levier stratégique pour développer la filière du réemploi. La deuxième est l’assurance, qui pourrait être un frein au réemploi. Il faut lever les incompréhensions pour que ce sujet ne serve pas d’excuse, et donc de frein, au réemploi.
Enfin, la troisième concerne la plateforme de stockage des matériaux qui, pour donner une image, pourrait ressembler à un magasin de bricolage. Car, sans lieu physique, il est difficile de sourcer les matériaux de réemploi, de les acheter, de les échanger, de les reconditionner. Pour cela, nous avons besoin de foncier, et donc de l’engagement politique. Nous sommes au début de cette filière. Il faut trouver les bons modèles économiques, adaptés. Quant au foncier, il est à la fois difficile à trouver et très cher dans la région. Ce qui représente une difficulté pour les investisseurs. Nous avons besoin des collectivités pour nous accompagner, au moins pour amorcer la mise en œuvre de plateformes, en mettant à disposition du foncier, que ce soit de façon temporaire ou pérenne.
